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Botanique / Environnement

Automne et hiver doux, quelles conséquences pour les végétaux ?

Vous pensiez que nous étions tiré.e.s d’affaire ou du moins tranquilles pour un moment une fois l’été terminé ? Et si en réalité, un drame se passait sous nos yeux sans que nous ne voulions le voir ? Le début d’automne que nous sommes en train de vivre ne ressemble en rien à un automne de milieu tempéré comme il devrait l’être et sa singularité pourrait avoir des conséquences désastreuses sur de nombreuses espèces végétales.

Octobre 2022, constat

Le mois d’octobre que nous venons de vivre en France hexagonale a été le plus chaud depuis les premiers relevés météorologiques en 1900. Sur l’ensemble de l’hexagone, les températures ont été en moyenne de 3,5°C supérieures aux normales de saison. Pour comprendre la gravité de la situation, cet été, les températures étaient seulement entre 2,1 et 2,6°C au dessus des moyennes estivales. C’est donc un record que nous venons d’atteindre et ce malgré que les températures nous paraissent plus supportables qu’en juillet août et qu’il n’y a plus de risques de feux de forêts, on l’espère…

L’automne, qui est censé être synonyme de retour de la pluie et des premières gelées ne nous offre pour le moment aucun de ces deux évènements météorologiques. Le département du Doubs qui est réputé pour être le département le plus froid de France n’a pour le moment connu aucun épisode de gel.

Des plantes dépendantes du froid pour germer

Si les températures clémentes peuvent être perçues comme “agréables” chez certain.e.s, il est nécessaire de se rappeler que nous faisons partie d’un ensemble, d’un tout, qui comprend les autres espèces animales et les plantes.

A propos des plantes, saviez-vous que la plupart des espèces de milieu tempéré ont besoin du froid combiné à l’humidité pour espérer germer au retour du printemps ? C’est le cas pour leurs graines mais aussi pour les sujets adultes quand on parle de plantes vivaces et d’arbres. On appelle cette période hivernale la dormance, puis la levée de dormance au retour du printemps. La violette, l’alchémille, le sapin, le fraisier, l’ancolie, la lavande, le houx, l’hellébore, la pivoine, le sureau et encore bien d’autres espèces ont besoin d’une période de froid humide pour germer.

On peut aussi prendre l’exemple des cultures d’arbres fruitiers et vignes dont la levée de dormance des bourgeons risque non pas d’être avancée mais retardée à cause des températures hivernales trop douces. Les abricotiers quant à eux pourraient à long terme développer des troubles physiologiques tels que la chute de bourgeons et l’avortement des fruits.

Ce qu’on observe déjà depuis quelques années, c’est une avancée de date de floraison à cause d’un hiver doux chez certaines espèces qui ne supportent pas l’arrivée subite du gel. Car la crise climatique c’est avant tout une question d’évènements météorologiques extrêmes et imprévisibles tels que des épisodes de fortes chaleurs en été, mais aussi de grand gel au printemps. La raison pour laquelle certaines années le fruits sont plus chers vient très souvent du fait que le gel tardif a anéanti une grande partie des fleurs de ces derniers au printemps.

Cependant, il est important de noter que certaines plantes de milieu tempéré pourraient bien tirer partie de cette absence de froid comme les forêts qui profiteraient, si les conditions climatiques ne deviennent pas trop rudes, d’un rallongement de leur période de croissance et donc de photosynthèse. D’autres espèces au contraire pourraient voir leurs rendements diminuer en été car d’une plante à l’autre la température optimale de photosynthèse varie et des températures aussi élevées que celles de cet été leur sont défavorables (la viabilité du pollen de maïs au delà de 35°C est affectée).

Des arbres qui gardent leurs feuilles

En parlant de forêts qui prolongent leur période de croissance, on a déjà pu observer durant ce mois d’octobre qu’une partie des arbres qui s’étaient débarrassés de leurs feuilles pendant la canicule de cet été ont profité du re-doux pour produire de nouvelles feuilles. D’autres qui les avaient gardées retardent la chute de celles-ci afin de profiter de cette opportunité pour faire leur photosynthèse. Le problème dans l’histoire, c’est que si ces arbres ne perdent pas leurs feuilles ou les font même repousser, cela veut dire qu’ils n’arrêtent pas leur période de croissance et de ce fait le phénomène d‘évapotranspiration.

Nous le savons pourtant très bien, la France est en déficit hydrologique avec un été sec et plusieurs épisodes caniculaires provoquant l’assèchement de nombreux cours d’eau et des sols partout dans l’hexagone. Pourtant, l’automne et l’hiver sont censés être des périodes où les ruisseaux, rivières, fleuves et nappes phréatiques se rechargent en eau grâce aux précipitations. Non seulement il y en a eu très peu en Octobre et en ce début de mois de Novembre (notamment dans le sud de la France), mais les températures clémentes qui permettent aux arbres de poursuivre leur photosynthèse en gardant leurs feuilles plus longtemps les pousse également à pomper le peu d’eau qu’il reste à disposition.

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Cette activité non stoppée accentue aussi les émissions de gaz à effet de serre naturels car les plantes qui continuent leur croissance à l’automne font ce qu’on appelle de l’évapotranspiration. Si les températures sont élevées comme cela a été le cas en Octobre avec des nuits à 20°C et des journées atteignant les 30°C à Bordeaux, c’est parce que la vapeur d’eau issue de l’évapotranspiration des plantes lorsqu’elle rencontre un air chaud, provoque une accentuation des gaz à effet de serre et empêche le refroidissement de l’atmosphère, bref un cercle vicieux…

Conséquences pour l’année prochaine

Les conséquences d’un hiver doux et peu pluvieux pourraient non seulement être dramatiques pour les niveaux hydrologiques partout en France, mais elles pourraient aussi l’être pour certains végétaux déjà affaiblis par cette année de sécheresse record. Le destin des récoltes de certains aliments pourrait être scellé bien avant le gel tardif et nous n’avons même pas abordé la question des insectes ravageurs et des maladies cryptogamiques (champignons). La France mais aussi l’Europe de façon général va devoir faire face à des changements profonds dans le comportement des plantes de milieu tempéré et il est à l’heure actuelle très difficile de savoir comment cela va se passer et quelles plantes vont tirer leur épingles du jeu au détriment des autres.

Sources :

“Le changement climatique : conséquences pour les végétaux” par Bernard Seguin – OpenEditions Journals
“Le mois d’octobre 2022 fut le plus chaud jamais enregistré en France… et risque de devenir la norme” par Alban Leduc – media Vert
“Ces semences qu’il faut traiter au froid” par Larry Hodgson – Jardinier Paresseux

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2 Comments

  • Sabine
    2 December 2022 at 19h27

    Merci pour cet article très intéressant. Début décembre, ici en Grande-Bretagne, et encore plein d’arbres avec des feuilles d’automne…

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    • Mélanie Lily
      6 December 2022 at 9h37

      La même ici dans le sud… Bon il commence à geler alors je pense qu’ils vont bientôt se débarrasser de leurs feuilles ces pauvres bougres !

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